- by Jérémy Felkowski
- 25 septembre 2025
- Territoires
L'Etang de Thau, entre sel, vent et lumière
Il y a des endroits sur terre où l’on ne saurait distinguer la limite entre le ciel et la terre. L’Etang de Thau, à certaines heures de la journée, en fait partie. Petit bout de paradis niché au cœur de la cote occitane, il réserve de belles surprises.
Il suffit d’une fin d’après-midi dorée, quand la lumière glisse sur l’eau et que les barques bleues se balancent doucement, pour comprendre : l’étang de Thau n’est pas un simple plan d’eau, c’est une mer intérieure. Entre Sète et Marseillan, il s’étend comme un miroir mouvant où se mêlent le ciel, la terre et la mémoire. Ce vaste lagon, le plus grand du Languedoc, concentre en un seul paysage tout ce que le Sud a de plus vrai : la force du vent, le sel, la patience des hommes et la saveur de la mer.
Fragile et sublime
Protégé par le cordon littoral du lido, l’étang est un monde à part. Derrière les reflets argentés de ses 7 500 hectares d’eau saumâtre, c’est un écosystème fragile et prodigieux, où se croisent hérons, flamants roses et pêcheurs à la ligne. Ici, la nature et la main de l’homme cohabitent depuis des siècles. Les tables ostréicoles, alignées comme une écriture sur la surface de l’eau, composent un paysage unique , géométrie fragile d’un savoir-faire ancestral. Car Thau, avant d’être un décor, est un terroir.
Des huîtres légendaires
L’huître de Bouzigues en est la fierté, la signature salée. Élevée en suspension, à mi-profondeur, elle se nourrit des courants riches de l’étang. Plus iodée que sa cousine atlantique, elle se distingue par une chair charnue, d’une texture ferme, à la fois sucrée et minérale. On la déguste vivante, simplement ouverte, avec un filet de citron, ou encore gratinée à la sétoise, nappée d’un beurre d’ail et de chapelure dorée. Le long des cabanons de Mèze, de Bouzigues ou de Marseillan, les pêcheurs et conchyliculteurs perpétuent un art précis, transmis de génération en génération, où chaque geste compte : la pose des cordes, la rotation des cordées, la récolte rythmée par les marées.
Une cuisine régionale emblématique
Mais Thau ne se limite pas à ses huîtres. C’est toute la cuisine sétoise qui rayonne ici, charnière entre mer et terre, Provence et Languedoc. La tielle, tourte ronde garnie de poulpe et de sauce tomate relevée, en est l’emblème : un plat de pêcheur devenu icône. À ses côtés, la rouille de seiche, la macaronade , pâte mijotée à la viande et au vin rouge , ou les encornets farcis témoignent de cette tradition méditerranéenne où chaque ingrédient parle le langage du soleil. À Sète, le marché couvert regorge de ces parfums : ail, huile d’olive, vin blanc, persil et oignons caramélisés.
Le temps de vivre
À la tombée du jour, quand les filets s’égouttent et que les oiseaux gagnent les roselières, l’étang retrouve son silence. Seule la lumière, changeante, continue d’habiter l’horizon. Loin des foules, Thau respire à son rythme : lent, organique, profond. C’est un lieu où l’on comprend que la gastronomie naît d’un paysage, d’un climat, d’une manière de vivre.
Goûter une huître sur un ponton, un verre de picpoul de Pinet à la main, c’est plus qu’une dégustation : c’est une expérience sensorielle totale. Là, entre le sel et le vent, le Sud révèle ce qu’il a de plus pur, l’alliance de la nature et du goût, du travail patient et du plaisir simple.