- by Jérémy Felkowski
- 10 octobre 2025
- Territoires
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Ils se mobilisent pour la Renaissance des Corbières
Après les incendies dramatiques de l’été dernier, cinq grands chefs locaux ont décidé de se mobiliser. Leur objectif ? Favoriser la renaissance du massif des Corbières et soutenir les vignerons de la région.
Le vignoble des Corbières a été frappé au cœur. Une cartographie post-sinistre a défini une zone rouge. Elle représente 1 700 hectares de vignes détruites ou fortement affectées par le feu. Sur certaines parcelles de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, Tournissan ou Coustouge, on évalue jusqu’à 80 % de vignes impactées. Selon Olivier Verdale, président de l’AOC Corbières, même les ceps qui n’ont pas été brûlés avoir grandement souffert.
Les pertes sont multiples. D’abord, la récolte 2025 est en grande partie anéantie sur les zones sinistrées. Les raisins calcinés, desséchés ou imprégnés par la fumée sont jugés impropres à la vinification. Ensuite, les ceps eux-mêmes peuvent être fragilisés : racines brûlées, stress hydrique accentué, capacité de reprise compromise. À ces facteurs s’ajoutent les contraintes d’assurance. Les dégâts liés aux fumées ou aux raisins sur pied ne sont souvent pas couverts. Cela crée une incertitude financière lourde pour les exploitants.
Les vignerons en première ligne
Plus de 400 vignerons sont concernés dans la zone rouge, selon les estimations de la Chambre d’agriculture de l’Aude. Parmi eux, beaucoup sont coopérateurs. Les exploitations doivent isoler leurs raisins sinistrés pour éviter de contaminer les caves mutualisées. Le fonds d’urgence promis par l’État, 8 millions d’euros, vise à indemniser les pertes de récolte, de matériel et de fonds, selon un barème plafonné autour de 3 500 €/ha, mais les vignerons craignent que cela ne suffise pas face à l’ampleur des dommages.
Les vignerons témoignent d’un sentiment d’abandon. Nombreux sont ceux déjà éprouvés par la sécheresse, les aléas climatiques, les marchés volatils. Cet incendie agit comme une explosion dans un contexte précaire : « Si j’en sauve 10 %, je serai content”, dit un exploitant meurtri. Pourtant, certains ceps, plantés depuis plusieurs générations, peuvent résister, avec un diagnostic précis et des soins attentifs, la régénération est possible.
Au-delà des cendres : la mobilisation solidaire autour du repas « Renaissance »
Dans ce paysage de ruine, l’élan solidaire est né parmi ceux qui voient dans le vin autant un art de vivre qu’un patrimoine humain. Le 25 novembre prochain, un repas “Renaissance” sera organisé en soutien aux vignerons sinistrés. C’est l’initiative de Gilles Goujon (MOF, triple étoilé dans les Corbières) et Franck Putelat ( installé à Carcassonne), rejoints par quatre autres grands chefs de l’Aude. Sur Instagram, on lit : « Après le drame, la Renaissance ! », un appel à la reconquête gustative et territoriale.
L’événement affiche déjà complet, signe d’un fort écho dans le monde gastronomique. Le concept est simple mais dense : autour d’un repas d’exception, les dons récoltés, les bénéfices et la visibilité serviront à soutenir les chantiers privés des domaines, la remise en état des ceps, l’achat d’équipements détruits, et la relance culturale.
Le chef Goujon en figure de proue
Gilles Goujon, au cœur des Corbières, sait ce que représente une vigne pour une vie. Dans une publication, il remercie les participants : « Après le terrible incendie qui a meurtri les Corbières… merci à vous ». Pour les chefs, ce repas est à la fois acte de résistance et acte de solidarité, une manière de redonner du sens à la terre, à la vigne, à la communauté.
Plus qu’un dîner, c’est un rendez-vous d’espérance : il rappelle que même calciné, un terroir résonne encore dans chaque grappe, chaque casserole, chaque coupe.